Votre histoire
Robes noires, ongles longs et soir dans les yeux, soir dans les cheveux, c’est la recette des sorcières à ce que l’on croit. Pour les yeux, peut-être, mais pour le cœur ? Pour le cœur il y a la grosse malle aux secrets qui compose toutes histoires. Il était une fois, non attendez il était une fois quoi ? Une famille fière de son sang, fière de ses enfants, et pourtant il manque quelque chose car sinon il n’y aurait pas autant de silence….
Un grand frère, une petite sœur… et ensuite ? Ensuite les parents ne disent rien car on peut être sorcier, on peut être considéré comme maléfique et pourtant posséder un cœur capable de saigner d’une blessure pas trop ancienne et surtout jamais refermée.
J’aimerai bien décrire ma vie comme ça, avec des mots de poètes, ceux que l’on utilise pour le parfum des fleurs du mal, ceux qui charment jusqu’aux larmes les révoltes des moins grands mais vous savez, la souffrance ça le permet pas.
On peut commencer par le début si vous voulez, c’est comme ça qu’on fait d’habitude n’est-ce pas ? Dans ce cas il ne faut pas commencer par « Je », mais par « Nous ». Petite je m’imaginais plurielle, la première personne du singulier m’était inconnue et mes phrases avaient toujours pour sujet ce « nous » singulier… dans tous les sens du terme ! Cela faisait rire mon père qui y voyait là le comble du snobisme raffiné. Du coup, par mimétisme, je riais aussi même si nous étions bien les seuls. Je n’ai compris que bien plus tard que le rire de mon père était sa manière à lui d’exprimer sa douleur…. Quelque chose qu’il m’a légué, au fond. A huit ans, ma mère en eut assez de ce manège… Elle me gifla si fort qu’il fallut longtemps avant que je n’ose m’approcher d’elle sans me protéger le visage ensuite au moindre geste de sa part.
« Ce n’est pas ‘nous’, Je n’ai compris que bien plus tard que le rire de mon père était sa manière à lui d’exprimer sa douleur…. Quelque chose qu’il m’a légué, au fond. A huit ans, ma mère en eut assez de ce manège… Elle me gifla si fort qu’il fallut longtemps avant que je n’ose m’approcher d’elle sans me protéger le visage ensuite au moindre geste de sa part. [i] « Ce n’est pas ‘nous’, c’est ‘je’ ! »… Et moi, je ne comprenais pas cette règle simple, je le voulais ce « nous » !
Pour éviter d’autres gifles, pour éviter d’autres coups, je me sevrais de la première personne du pluriel. En dehors de cette excentricité, mon enfance fut calme… Mes parents, tous deux Mangemorts, m’aimaient même si évidemment ils ne pouvaient pas toujours s’occuper de moi. Le fait d’avoir un grand frère sur qui reposait tous les espoirs de la famille en matière d’avenir, empêcha que l’on m’en demande trop à moi. Je crois même avoir été un peu plus gâtée que lui, on n’attendait pas spécialement quelque chose de grandiose de mon futur si ce n’est un bon mariage après une scolarité correcte.
Jusqu’à ce que j’entre moi-même à Poudlard, mes jours étaient solitaires entre les leçons d’un précepteur et tous les livres que je dévorais dès que j’en avais l’occasion. Les vacances scolaires étaient cependant bien plus énergiques avec le retour de mon frère aîné et nos jeux communs ainsi que, évidemment, nos bagarres…
Et puis vint mon tour d’entrer à l’école de sorcellerie. On posa le choixpeaux sur ma tête et je ne doutais pas un seul instant d’aller à Serpentard… Pourquoi ? Tout simplement parce que l’on m’avait inculqué que seul les esprits supérieurs rejoignaient cette maison et moi, avec le sang de mes parents, avec mon frère qui m’y attendait et avec toutes mes lectures me faisant sentir intelligente, unique et même grandiose (oui, enfant on aime s’imaginer dieu ou déesse), je ne doutais pas d’en faire partie.
Bien évidemment, cet abruti d’objet magique voulu tergiverser, me proposer Serdaigle et moi, fière au possible de ma phrase pourtant fort maladroite –mais bon, j’avais 11 ans !- je pensais
« Seul mon sang est bleu, pas ma maison… ». Un aimable
« SERPENTARD ! » résonna alors dans la salle : le verdict du choixpeaux…
A partir de là, je fus bonne pour sept ans d’enseignement. C’est peut être idiot à dire, cliché au possible mais je ne parvins pas à me faire d’amis. Bien entendu j’avais des connaissances, des camarades avec qui faire des groupes d’études quelques fois, mais un peu gourde je ne savais pas vraiment comment faire pour nouer vraiment des liens. Evidemment, j’avais des cousins éloignés parmi mes camarades, j’avais mon frère – qui fut diplômé lors de ma troisième année- et sens de la famille oblige, on pouvait passer du temps ensemble mais cela en restait là.
En fait, je crois que j’étais un peu trop flemmarde pour faire l’effort de décoller de mes livres et me montrer sociable un instant de manière spontanée. Sinon hé bien… je passais mes examens avec plus ou moins de difficulté selon les années et tâchais de me conduire comme une bonne Serpentard. Mon plus gros coup d’éclat consista à déchirer ni vu ni connu un chapitre du livre que le Gryffondor que je ne pouvais absolument pas sentir (William Peters …ou Peter Williams, j’ai un doute, si cela vous intéresse…), tentait d’apprendre à la dernière minute, la veille d’un examen. Nous tairons sous silence le fait que moi aussi je révisais à la dernière minute ce qui –en cinquième année- n’est pas très intelligent à faire…
En fait je déchirais tout ça juste par ennui et complètement au hasard mais lorsque le lendemain je vis que l’examen tombait sur le dit chapitre, je me sentais l’incarnation même d’une déesse des enfers et du chaos. Ca ne m’empêcha pas de suer sang et eaux sur ma propre copie mais croiser plus tard la tête de Peters (ou Williams) totalement déconfite dans le couloir illumina complètement ma journée. Au point que lorsque je rejoignis ma salle commune, je ne pus m’empêcher d’en faire le tour en sautillant partout tout en agitant les bras et en poussant de grands
« WHOUHOUHOUHOU ! ». Un Serpentard sait être digne quand il le faut, en l’occurrence oui pour moi ce n’était pas le cas…
Bref, sinon j’eu un nombre respectable de B.U.S.E.S et d’A.SP.I.C.S et put sortir de Poudlard la tête haute. Fin de mon histoire scolaire, merci rideau…
Et mon histoire de Mangemort ? Pas grand-chose à dire… Je le suis, comme mon frère, comme mes parents, et j’obéis aux ordres qu’on me donne. Comme tout le monde je pense, j’aime bien me sentir toute puissante même si je suis beaucoup plus à l’aise dans les travaux de recherches en bibliothèque sur tel sortilège oublié qu’il faudrait réinventer ou tel artefact mystérieux à jamais perdu qu’on aimerait retrouver, qu’en travail sur le terrain. Enfin le plus souvent mon travail peut avoir un côté rébarbatif comme fouiller une longue liste de généalogie d’un sorcier afin de trouver le grain de sable dans le rouage avec un nom moldu en guise de fève… Hé oui monsieur X, dommage pour vous, j’ai du remonter jusqu’à la 5ème génération, éplucher les arbres généalogiques de tous vos parents proches et moins proches mais j’ai bien trouvé qu’un de vos ancêtres s’était marié à une fille sans magie aucune. Et vu que l’on ne vous aime pas et que votre voisin sorcier brigue un peu votre terrain pour agrandir son manoir… vous allez y passer !
Pour le moment je n’ai épousé personne aussi, aucune union d’arrangé… D’après ma mère, je mérite mieux que ce qui est sur le marché en ce moment va-t-on dire. Père dit qu’elle doit s’inquiéter de me voir grandir, de perdre sa petite fille… Bah ça me va, enfin pour le moment. On va dire ça comme ça, pas envie de déprimer….
Et ce « nous » alors ? Il revient parfois, je sais que dans mes dissertations d’élève je pouvais le mettre de manière impromptue et totalement instinctive, ça m’effrayait un peu. De même lorsqu’on me parle, si je suis fatiguée, il revient et mange tous mes « je ».
Un après midi, je me souviens avoir pris le thé avec ma mère. Ma langue fourcha, évidemment, sur le pronom fatidique et alors que je m’attendais à recevoir la tasse de thé brpulant dans la figure, il y eut juste un soupir fatigué de la part de ma mère.
« Tu te souviens encore d’elle, pas vrai ?De qui ? Ca j’en savais rien, enfin je croyais. Et puis elle parla, elle parla d’une petite Sophia née en même temps que moi. Passée vingt ans, c’est assez difficile à digérer d’apprendre que l’on a une sœur jumelle… Enfin que l’on a eu, plutôt. Parce que Sophia n’a pas vécu longtemps, à peine quelques mois. Même les bébés sorciers peuvent être gravement malade, vous savez ? C’est comme ça, à chaque famille ses drames et ses secrets …. Evidemment cela me fit comprendre beaucoup de choses, notamment avec ce « nous », en réminiscence d’une sœur que je n’aurai pas connu. Et puis il y a les épouvantards aussi… le mien prend toujours la forme d’un horrible bébé déformé qui hurle et pleure comme s’il avait le diable aux trousses. Ainsi donc, depuis longtemps je possède la peur primaire de ma propre sœur et, via elle, de la Mort elle-même même si jusqu’alors je n’avais pas les mots et les clés pour le comprendre.
C’est tout….
Ma langue fourche toujours autant en période de fatigue ou de stress, je prends l’air blasé même si ça me terrorise complètement. En dehors de cela, je fais mon boulot, je lis des livres et puis c’est tout. J’ai rien, absolument rien pour me faire remarquer : on a tous des déboires et des histoires tragiques, on a tous de grosses bouffées de solitude, mais il n’empêche que je continue de fouler ce monde en me sentant supérieure. Après tout, dès ma naissance j’ai réussi à survivre alors que ma sœur, ce double de moi-même, agonisa de longues semaines avant de s’éteindre.